L’Incendie du Hilton de François Bon, face à «l’immense catastrophe ordinaire du monde».

Abstract
Dans L’Incendie du Hilton, François Bon retrace la nuit où, pendant le Salon du livre de 2008 à Montréal, l’hôtel qui héberge auteurs et livres prend feu. « [L]e plus parfait des non-événements. Des victimes, des blessés, des morts, dans l’immense catastrophe ordinaire du monde: rien, aucun. Un bouleversement de la ville, des ruines, un effondrement: absolument pas.» (Bon 2009, 9‑10) Et pourtant une alarme a sonné, peut-on l’ignorer ? Si la menace reste encore vague, tous sont concernés: les invités, la ville et les livres.

À regarder rétrospectivement, l’évacuation ressemble à un exercice de préparation. Se sauver dans les galeries souterraines de Montréal («l’envers de la ville») et loin des piles de livres du Salon, consiste à un double exile, placé sous l’épigraphe de «Symptômes de ruine» de Baudelaire. Ainsi, dans la traversée de cette nuit se dessine à la fois le rapport de François Bon à la ville,et son rapport à sa propre pratique littéraire transformée par le numérique.

Pendant ce temps, l’édition traditionnelle perpétue son modèle de surproduction, complétement livrée aux intérêts financiers qui ont altéré le champ littéraire en «industrie des lettres» (Bessard-Banquy). Mon intervention se situe donc face au catastrophisme de certains discours contemporains, et tente de déceler les symptômes de cette «maladie secrète» qui affecte toute la chaîne du livre et dont le web joue souvent le rôle du bouc émissaire.